Au cours du développement de l'embryon de vertébré, des milliers de cellules s'auto-organisent suivant une chorégraphie très précise et complexe pour former les tissus et les organes du futur adulte. L'objectif de cette thèse est de comprendre les mécanismes régissant la morphogenèse des tissus qui constituent la partie caudale de l’embryon, en combinant des approches mathématiques, numériques et expérimentales.
Dans la première partie, nous développons des modèles mathématiques hydrodynamiques multi-espèces basés sur des équations aux dérivées partielles, pour comprendre comment les tissus neuraux et mésodermiques se forment pendant l’allongement de l'embryon. Ces modèles prennent en compte les propriétés biologiques observées dans l'embryon telles que la croissance et la viscosité des tissus, ainsi que l’interaction inter-tissulaire. En dérivant des problèmes à frontières libres et des problèmes de transmission, nous analysons la dynamique des tissus et obtenons des propriétés qualitatives des modèles mathématiques : saut de pression, effet fantôme.
Il émerge de notre analyse théorique des modèles de nouvelles hypothèses biologiques sur les mécanismes cellulaires et tissulaires gouvernant la dynamique tissulaire, que nous confirmons ensuite expérimentalement en intégrant les données biologiques aux modèles mathématiques.
Dans la deuxième partie, nous examinons de plus près le comportement des cellules pendant la croissance des embryons d’oiseau. Nous réalisons des expériences biologiques sur des cellules souches pour étudier l'effet de deux protéines dans la spécification et la migration cellulaire. Nous découvrons une zone où les cellules sont spatialement hétérogènes dans leur expression en protéines. Nous développons ensuite un modèle agent-centré qui prend en compte la spécification et la migration des cellules pour comprendre le rôle de cette hétérogénéité. Le modèle met en évidence un paradoxe surprenant : le chaos (l'hétérogénéité) peut soutenir un processus apparemment très ordonné (la morphogenèse).
Grâce à une approche interdisciplinaire, notre analyse multi-échelle de la croissance des tissus révèle les mécanismes cellulaires sous-jacents qui régissent la formation des tissus. Les résultats de cette thèse reposent sur le développement d'outils mathématiques adéquats (limite incompressible, problèmes à frontières libres) qui dépassent le cadre de la biologie du développement (mécanique des fluides visqueux, croissance des tissus et oncologie).