Nicolas Michel, "Le calcul de Schubert et l'énumération des triangles : une promenade historique"
Aujourd'hui largement tombé dans l'oubli, le Kalkül der abzählenden Geometrie du mathématicien allemand Hermann Schubert (publié en 1879) fit pourtant forte impression sur les géomètres les plus éminents de l'époque -- tels qu'Arthur Cayley, Felix Klein, ou encore David Hilbert. Dans cet ouvrage, Schubert développe une méthode symbolique pour l'énumération de figures géométriques (coniques planes, cubiques gauches, quadriques, etc.) satisfaisant une multitude de conditions géométriques indépendantes (passer par un point donné, être tangent à un autre objet fixé, etc.). Cette méthode, fondée en partie sur une analogie entre logique algébrique et calcul géométrique, intriguait autant par sa puissance combinatoire inégalée que par son caractère mystérieux et l'opacité des raisons de son exactitude.
Dans cet exposé, je présenterai le calcul de Schubert sur un exemple relativement simple : celui des triangles plans. Ce faisant, je situerai rapidement le calcul de Schubert dans l'histoire de la géométrie algébrique et proposerai quelques perspectives sur les difficultés inhérentes à la lecture et à l'interprétation de textes mathématiques du passé.