Remarqué par ses professeurs à l'Ecole Normale de l'An III, Joseph Fourier est recruté par Monge pour enseigner à l' l'Ecole Polytechnique nouvellement créée; c'est ainsi qu'il enseigne à la première promotion 1794-95. Contrairement à ceux de Prony ou Lagrange et aux principes adoptés, ce cours n'a pas été publié au journal de l'Ecole, et Arago le déplore dans son éloge. Quelques fragments en étaient connus par ailleurs, mais il s'avère que le manuscrit le plus complet à ce jour se trouve, quelque peu mystérieusement, dans les papiers de Joseph Bertrand, légués à l'Institut par sa veuve. Il n'est pas de la main de Fourier, mais de celle d'un élève non identifié, et ce n'est pas la seule interrogation qu'il suscite... Jamais étudiées jusqu'ici, ces notes brutes révèlent des informations inédites sur son style d'enseignement, dans lequel on perçoit déjà la pédagogie du rédacteur de la Théorie Analytique de la Chaleur, soucieux d'aménager la progression dans la difficulté. Et surtout, il contient un joyau: la fameuse preuve d'irrationalité de e, dont on ne pensait pas qu'il existât de trace écrite. Or, si elle revient effectivement à l'encadrement issu de la série entière de l'exponentielle (version connue par le recueil d'exercices de Janot de Stainville, présenté et commenté sur le site BibNum), l'approche de Fourier est différente et, loin de s'inscrire en rupture avec la méthode d'Euler exploitant un développement en fraction continuée, elle la prolonge avec une grande élégance.
On s'efforcera de donner une vision d'ensemble de ses leçons, suivie de la présentation de cette perle arithmétique.